Philippe Clert

De la fête à la réalité

Employé chez OPI à Auxerre directement après des études de productique, Philippe Clert est rapidement parti en mission à l’étranger pour les groupes Renault et PSA. C’est lors d’une première mission à Curitiba (sud du Brésil) en 1998 qu’il découvre cet immense état, puis accepte en 2001 d’y retourner pour 3 mois, il y est définitivement resté ! Il travaille aujourd’hui pour le groupe PSA à Resende dans l’état de Rio de Janeiro.

Le Brésil est un pays en plein développement économique, beaucoup de nos usines notamment dans le secteur automobile s’y sont installées pour délocaliser leur production. Même si nous avons des images d’un peuple accueillant, de soleil, de chaleur, de fête, d’immensité et de diversité culturelle, le Brésil n’est pourtant pas si paradisiaque que nous aimerions le croire.

En Europe, nous avons pu suivre l’étendue des travaux de réalisation des infrastructures qui accueilleraient la coupe du monde de football en espérant une belle opportunité pour ce pays émergeant. Malheureusement, nous avons été très influencés par ce que nous montraient les médias. Nous avons eu connaissance de toutes les protestations des brésiliens à cause des problèmes d’infrastructures et d’argent lié à leur financement, également une forte augmentation de tous les coûts des transports publics. Pourtant, la rapidité d’exécution des travaux a engendré des accidents mortels sur les chantiers, les entreprises bâtisseuses ont été victimes de la corruption et n’ont pas encaissé le paiement des travaux…

« Cette opération a été un vaste gouffre financier, et depuis, son activité économique est en chute libre. Le peuple brésilien est traumatisé par tous les sacrifices financiers qu’il a du supporter, certaines infrastructures ne sont pas encore achevées et d’autres non commencées, les budgets alloués ont complètement explosé de plusieurs millions de dollars.  Pour prendre l’exemple des lignes de chemin de fer, les ouvrages d’art comme les ponts et les tunnels ont bien été réalisés. Malheureusement la pose des rails a pris du retard et les lignes ne peuvent pour l’instant pas fonctionner. Une partie de l’œuvre est restée au niveau du projet.» souligne Philippe. Cette anecdote, vue de France, peut faire sourire mais les brésiliens sont excédés par l’accumulation des incompétences de leur pays.

Pour ajouter à leur colère, les places de foot vendues en France à 97 €uros étaient revendues à 1000 €uros au marché noir. Une frustration de plus pour le peuple organisateur !

L’état a accordé des après-midis fériés aux entreprises pour que les brésiliens puissent suivre leur équipe et des journées entières pour les villes dans lesquelles étaient joués les matchs. Les écoles publiques ont été fermées pendant toute la durée de la coupe du monde ainsi que certaines usines.

Les retombées économiques escomptées ne sont pas au rendez-vous : pour exemples la compagnie de taxis de Curitiba annonce une baisse d’environ 40 % de son chiffre d’affaires durant la coupe du monde, les agences de tourisme dans cette même ville sont en négatif de d’environ 20 %, – 28 % pour l’industrie automobile, et des boutiques vident de clients…

L’après coupe du monde fut un retour brutal à la réalité : démission du sélectionneur de l’équipe du Brésil, un gouvernement en baisse dans les sondages… une déroute qui va être longue à absorber.

Tout comme la Pan American (JO des pays d’Amérique du Canada jusqu‘à l’Argentine) organisée en 2012, les Jeux Olympiques de 2016 ne réutiliseront malheureusement pas les infrastructures construites à l’occasion de la coupe du monde puisqu’ils se dérouleront exclusivement à Rio. « Des milliers de voitures de police, de bus pour le transport des athlètes… sont stockés depuis 2012 sur des parkings en attendant d’être détruits. Le village des athlètes est en ruines, il a été vendu à de riches propriétaires pour en faire des appartements reloués à prix fort » indique Philippe. Pour la petite histoire, certains stades ont été construits dans des villes où aucune équipe de foot n’est capable de les remplir.

Bilan : les entreprises mandatées pour effectuer les travaux colossaux des infrastructures doivent aujourd’hui terminer les travaux entamés pourtant l’état n’a plus d’argent pour financer.

Le peuple ne s’est pas révolté, aujourd’hui, il attend patiemment de connaître le dénouement de l’histoire.